Troisième domaine, le monde de la relativité

La relativité :

Laisser agir le temps.

Le temps modifie la perception.

Dans un autre temps, nos dispositions
ne seront plus les mêmes.
Nos connaissances, nos choix,
nos goûts ne seront plus les mêmes.
Nos centres d'intérêt auront changé.
Ce qui nous paraissait parfait
deviendra soudain détestable.
Ce qui nous paraissait sans intérêt
deviendra brusquement
source d'inspiration.

Savoir prendre du recul.

Ne pas jeter ou détruire sur le coup
les essais que l'on juge ratés.

Les trois temps du regard ou les trois fonctions de l'oeil :

Le temps de l'action, l'œil du peintre

C'est au niveau de la touche que cela se passe.

Il y faut du courage, de l'audace. Dans l'urgence de l'instant, dans l'immédiateté.

L'œil du peintre se focalise sur un endroit, pendant une durée de l'ordre d'une à cinq secondes, en général à une distance de l'ordre de 30cm à 1 mètre. C'est à dire le nez dans le guidon... Seul le détail compte en cet instant. Il s'agit essentiellement d'un travail d'analyse.

Le pinceau reste à la main. Le regard ne quitte pas le tableau. L'artiste est prêt à intervenir sur ce qu'il est en train de faire.

Le temps du recul, l'œil du maître

Après un certain temps de travail, l'artiste prend un petit moment de recul. C'est le temps du relatif, de l'équilibre, de la synthèse. Le peintre observe, apprécie, envisage la correction nécessaire, ou estime ce qui doit absolument rester. La reprise de l'action entraînera probablement une retouche, un repentir, ou un aménagement.

Ce recul, en cours de séance ou tout à la fin, peut ne durer que quelques minutes, mais il peut aller jusqu'à une quinzaine de minutes, lorsqu'un modèle est dans son repos entre deux poses, par exemple. L'œuvre est en général évaluée à une distance de l'ordre de 1 à 2 m.

Le pinceau est parfois posé, ou écarté.

Le regard peut s'échapper momentanément du tableau. Le recul est à la fois physique et psychologique.

Le temps du verdict, l'œil de l'expert

Il s'agit ici d'un regard neuf, dans l'absolu. Il est indispensable qu'il se produise après que l'attention ait été détournée pendant un certain temps, par d'autres activités. Cela peut se produire le lendemain, voire les jours suivants.

Nous sommes maintenant hors séance, hors temps de création. La distance d'observation est libre. En fonction des tests, elle pourra varier de plusieurs mètres, lorsque l'on pénètre dans la pièce par exemple, à quelques dizaines de centimètres, pour observer la touche et les détails.

L'innocence du regard, l'observation attentive entraîneront une objectivité, une impartialité indispensables. C'est le moment d'utiliser les tests d'évaluation. Après un temps de réflexion, le verdict tombera.

Du résultat de cet examen dépendra la suite des opérations.

Cette étape peut se renouveler. Il n'est pas nécessaire de prendre une décision dans l'urgence. Un autre examen, à un autre moment, pourrait suggérer une autre issue. Le peintre va revenir sur son travail, le considérer à nouveau, jusqu'à ce que son jugement soit établi.

La décision est parfois difficile à prendre. Le tableau, inachevé, ou non signé, peut rester en attente des années dans un coin, comme en quarantaine.

Bien sûr, les précisions qui sont données ici n'ont qu'une valeur approximative. Pour une œuvre de grandes dimensions, par exemple, les distances de recul devront être plus importantes. Il s'agit juste ici de donner quelques indications. Cela permet malgré tout de bien comprendre ces trois phases, bien distinctes.

Avec le temps, l'artiste jonglera habilement avec ces trois regards, et la distinction entre les trois tendra à s'effacer. Les décisions seront plus rapides, plus précises, plus efficaces.